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Ich bin ein Berliner

De retour de Berlin, Stéphane partage avec nous ses impressions, après sa participation le 25 septembre 2021, au marathon roller de Berlin, le plus coté et le plus rapide du MONDE. Asseyez vous, attachez vos ceintures et savourez.


Après des jours, des mois et même des années d’attente (merci Covid), nous revoilà partis pour Berlin, le coach Thomas et moi pour aller en découdre au Marathon roller le plus prestigieux du monde.

Je passe sur ma préparation compliquée par une motivation hivernale en berne (merci Covid) et à l’ambiance générale déprimante, puis par une reprise du sport compliquée par une tendinite au talon d’Achille qui continue à me faire souffrir depuis des mois. Malgré cela j’ai réussi à tenir un programme de préparation sérieux sur 3 mois ½, avec notamment beaucoup de vélo d’appartement (je ne peux pas courir) et un peu de roulage malgré tout, mais beaucoup moins que nécessaire. Thomas lui n’a pratiquement pas chaussé les rollers hormis pour quelques rares sorties un peu longues.

Nous arrivons à Berlin via Amsterdam le jeudi soir pour une course le samedi après-midi.
Nous sommes très vigilants sur notre alimentation et hydratation. Nous passons la journée du samedi à aller retirer nos dossards et à déambuler dans l’expo, le village marathon entreposé dans un ancien aéroport désaffecté (Flughafen Berlin-Tempelhof, réservé désormais à ce type d’événement ou aux loisirs du dimanche des berlinois).

Puis nous allons également nous promener vers la porte de Brandebourg près des zones de départ et d’arrivée de la course.

Toutes les infrastructures sont déjà montées on rentre progressivement dans notre course.

Berlin est aux couleurs du marathon qui est un événement mondial majeur en Roller et à pieds. Tous les meilleurs sont présents et les records du monde sont souvent battus ici (en roller comme à pieds, le marathon à pieds est bien entendu bien plus médiatisé on peut même suivre la course à la télé en direct en France). Cette année il y a un peu moins de monde (merci covid), de nombreux coureurs ont reporté leur voyage à l’année prochaine mais 117 nationalités seront tout de même au départ. Les gens viennent du monde entier pour courir ce marathon. Du Japon, d’Amérique du Sud, d’Australie, de partout. Ils viennent parce que Berlin c’est un parcours incroyable tracé en plein centre-ville sur une seule boucle de 42km. Le revêtement est lisse, l’organisation est « à l’Allemande », tout est simple, bien pensé et efficace. Il y a des milliers de bénévoles qui font un boulot incroyable et toute la ville soutient et fête l’événement.

Vendredi soir nous trouvons un resto pour manger un plat de pâtes, tandis qu’une taverne munichoise où il semble y avoir une ambiance de folie nous fait de l’œil à chaque fois qu’on rentre à l’hôtel : on reste sages mais on se promet d’y courir samedi soir (la plupart des gens sont déguisés avec l’habit traditionnel bavarois, ce qui nous amuse beaucoup).

On se lève tôt samedi, d’abord parce que l’excitation ne permet pas de dormir très tard et ensuite pour pouvoir prendre un petit dej’ léger, puis un dernier plat de féculents autour de 11h30 soit 4h avant la course. On tourne en rond et on tue le temps comme on peut en essayant de se détendre, mais on a hâte. Alors qu’on pensait que le temps gris allait rester sec, il y a quelques ondées vers 12-13h mettant Thomas au supplice : roues pluie ? Roues pour le sec ? Cette question va l’occuper pendant les 2h qui précèderont notre départ de l’hôtel. Moi je reste 100% serein n’ayant aucune question à me poser, je n’ai que des roues pour le sec 🙂
Il opte finalement pour le sec. Ce sera le bon choix. On vérifie 3x qu’on n’oublie rien. Tu as ton dossard ? T’as pas oublié ton pass sanitaire ? Et ta montre ? Les chevillères ? Non on a tout. On y va. Aujourd’hui on ne prend pas de ticket dans le métro : oui le dossard suffit, quand je vous dis que toute la ville vous soutient.

On arrive devant le Bundestag et on rentre dans le parc fermé du marathon. On se change, on chausse, on s’échauffe un peu – autant pour ne pas se faire mal que pour tuer le temps et faire baisser la tension.

On s’avance vers les sas de départ. L’attente est longue.

Les élites partent puis vient notre tour.

C’est parti !
J’arrive à rapidement prendre la roue de 3 coureurs qui se fraient un chemin parmi ceux cherchant le bon rythme. Ça part bien et je sens le cardio monter rapidement mais je me sens bien. Je continue à suivre ce groupe. Arrive le km 5. A ce stade il est important de savoir que je me suis fixé 14 minutes par tranche de 5km pour passer sous les 2h et ainsi battre mes 2h00’14’’ qui constituent mon record à ce jour. Je regarde ma montre : 11’30 je vais beaucoup trop vite ! Mais je me sens bien ! Je ne vais pas ralentir quand même ! Bon je fais quand même attention à rester raisonnable mais je continue à rouler comme ça.

Je change plusieurs fois de peloton. Tantôt quand l’un explose ou quand un autre nous double ou le contraire si je sens que je suis un peu trop dans le rouge. J’arrive toujours à trouver une roue et ne roule presque jamais seul.

Je continue à exploser tous mes temps de passage et je passe au semi-marathon en 50min30 soit sur une base de 1h41. Je sais que je vais exploser, comme il y a 2 ans ici même où j’avais eu un énorme trou avant d’arriver à me ressaisir. Les kilomètres passent et je me sens toujours bien. Je reste bien concentré pour profiter de l’aspiration. Le cardio est très élevé (sur le marathon ma montre m’indiquera une moyenne de 177 bpm !) mais toujours pas de fléchissement. Malgré les jambes qui commencent à se raidir, j’arrive même à lancer des accélérations pour accrocher un groupe qui pourrait me convenir. Les temps de passage restent incroyables mais pourquoi pas après tout !

Je vois passer le km 35 tout va bien. J’ai presque envie d’accélérer mais je sais que ce serait une erreur mon cardio ne descend pas sous les 180 et il reste encore plus de 15 minutes de course. Je continue à suivre mon groupe. Km 36. Km 37. Et là un petit groupe nous dépasse et ne me tenant plus je fais taire ma petite voix raisonnable qui parle dans mon cerveau et je leur prends la roue, ils me feront gagner encore quelques dizaines de seconde.

Un virage à droite, un autre à gauche puis un dernier à gauche et voilà la Porte de Brandebourg au fond, je crois que tous les coureurs savent ce qu’on ressent quand elle apparait, un mélange de soulagement, d’excitation et de fierté d’en être là après tous ces mois d’effort pour être au niveau. On va passer en dessous et ensuite il restera encore 500m.

J’ai des jambes de feu je lance un sprint qui va durer près d’un km et je grille pratiquement tout le peloton que j’avais réussi à accrocher, je lève les bras, c’est fini. Je regarde ma montre 1h41’53 (qui sera officialisé à 1h41’44). Woow, je voulais passer sous les 2h, j’avais même un objectif secret à 1h55’, mais là je ne m’y attendais vraiment pas. Je retrouve Thomas au bout de la ligne droite de décélération. Je n’arrive pas à parler (mon cardio est monté à 193 sur le sprint) mais je lui tends ma montre. Je vois à sa tête qu’il est encore plus épaté que moi, il regarde 2 fois la montre et fait des grands yeux.

Lui a roulé en 1h35 et a un peu payé sa préparation un peu légère mais il était content de sa course et du plaisir incroyable qu’on a tous ressentis sur les roues. Des conditions de course exceptionnelles, un revêtement sec contrairement à 2019, une température idéale, assez peu de vent, un public omniprésent tout au long de la course qui crie, qui applaudit, qui encourage, qui fait de la musique, des volontaires qui sont dans l’abnégation totale et que je n’ai cessé de remercier à chaque fois que j’en ai eu l’occasion. Nous discutons quelques instants avec des connaissances sudistes de Thomas puis après avoir récupéré notre médaille Finisher on rentre tout doucement vers l’hôtel. Les jambes sont un peu douloureuses mais ça reste raisonnable surtout quand on se souvient l’état dans lequel j’étais à l’arrivée il y a 2 ans où je n’arrivais pratiquement plus à marcher et où j’ai mis plusieurs semaines à faire disparaitre les douleurs lombaires. Rien de tout ça cette année ! Même mon talon d’Achille et ma malléole m’ont laissé tranquille. Quel kiff. J’envoie tout de suite la photo du temps sur ma montre à mon supporter n°1 (Véro) qui n’en revient pas non plus. Elle m’a vu dépenser des hectolitres de sueur tout au long de l’année et je sais qu’elle est contente pour moi.

Je ne rêve que de revenir en 2022 et je suis motivé comme jamais pour faire une préparation encore plus complète et sérieuse même si je sais déjà que battre 1h41’ sera vraiment compliqué si toutes les planètes ne sont pas parfaitement alignées, car mine de rien chaque année pèse un peu plus, surtout quand il y en a 53 de déjà passées.

Et c’est là que va intervenir le drame du week end.
Après la douche nous nous présentons à la taverne bavaroise sur notre 31 prêts à engloutir des litres de bières et des spécialités teutonnes : « sorry sir it’s sold out for tonight » What ??? Pleeeeeeease.🙁  « Nein, Sold out ! ».😢
Obligés d’aller manger un Curry Wurtz et de boire une bière dans un pub (très sympa du reste) alors qu’on s’étaient vus chanter des chants bavarois bras dessus bras dessous avec nos voisins de tablées.😭

Après une nuit bien méritée nous nous levons tôt pour pouvoir profiter du marathon à pieds, mais en tant que spectateurs cette fois-ci (ouais faut pas déconner, il y a bien quelques tarés qui font le marathon en roller le samedi après-midi et le marathon à pieds le dimanche matin mais bon, dans une prochaine vie on verra). On a repéré 3-4 endroits favorables sur le parcours pour suivre la course.

On a passé une journée géniale. Il fait beau, Berlin est en fête, il y a du monde et c’est un spectacle exceptionnel.

J’ai pris conscience ce que pouvait vouloir dire « aller au bout de soi- même ». On a vu des dizaines de coureurs au bout du bout qui continuaient à aligner les pas les uns après les autres (parfois même en marchant) pour ne pas abandonner et aller au bout des 42km. On a vu des mamies, qu’on imaginerait uniquement faire des cookies à leurs petits enfants, avec des façons de courir impossibles qui étaient sur des bases de 4h au marathon. On a vu des types pleins de crampes qui n’arrivaient pratiquement plus à marcher mais qui continuaient à avancer en espérant que le muscle s’assouplisse un peu. On a vu des gens contraints à l’abandon s’effondrer en larmes dans les bras d’un bénévole venant les réconforter. Quelle leçon. Ma performance (à mon échelle) et ce que j’ai vu des efforts des runners anonymes m’a conforté dans l’idée qu’au-delà des capacités innées des uns et des autres, si on travaille dur on peut y arriver. J’ai même vu sur le groupe Facebook du marathon des photos et des histoires de types continuant à courir seuls alors que la voiture balai était passée et arriver à franchir la ligne à la nuit tombée pendant que les bénévoles démontaient les infrastructures après plus de 7 ou 8h de course. Je pense que désormais lorsqu’à la supérette je croiserai une mamie toute voutée avec son caddie rempli de poireaux à moitié tordue et une démarche davantage digne du ministère des démarches ridicules (cf Monty Python) que d’une coureuse de fond, je ne pourrai m’empêcher de penser que peut être derrière cette façade il y a une redoutable compétitrice qui court le marathon en 4h…. Chapeau, vraiment.

Quel week end ! Si vous me cherchez, vous savez où me trouver le 24 septembre 2022.

 

 

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